Extraits du film STRANGERS WHEN WE MET, 1960.
       Réal:R.Quine, Interp:Kirk Douglas (l'architecte), Ernie kovacs (le client), Kim Novak.

PARTIE 1
Ce qui m'intéresse particulièrement dans ce film c'est la relation client-architecte et les tensions qui naissent de part et d'autre mais surtout et d'abord chez le client. Bien que tous deux « auteurs » , l'écrivain concède à son éditeur alors que l'architecte ne concède plus rien par expérience. Le client pense que le montant alloué au projet les mettra tous deux d'accord. Mais ce qui importe à l'architecte c'est que le projet corresponde à ses valeurs. Le client l'assimile alors à un caractériel alors que lui même est sensible à la critique sauf qu'il la subit. Ici ré-apparait le thème de « fountainhead » avec dans le rôle de l'architecte « visionnaire » Gary Cooper (réal : K.Vidor, 1949) : La lutte de l'individu contre la collectivité. L'écrivain esclave des critiques et des lecteurs représente la collectivité et K.Douglas l'individu tout comme G.C dans Fountainhead. Ce qui importe au client c'est de plaire, ce qui importe à l'architecte c'est que le projet plaise à son auteur. L'écrivain se soucie du plus grand nombre et l'architecte du plus petit nombre, il n'a besoin que de quelques clients alors que l'écrivain veut la multitude pour cliente.
Ensuite le client veut montrer ce qu'il a de meilleur (son second livre) alors que l'architecte a besoin de sa dimension intime pour « personnaliser » son approche. Enfin le client se prend soudainement d'amitié pour l'architecte alors que ce dernier sait que la relation ne fait que commencer et qu'elle sera mise à l'épreuve en particulier dans sa phase de réalisation.

Première rencontre entre l'architecte et le client écrivain.
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AR : architecte / CL : Client
AR : Comment m'avez vous trouvé ?
CL : En parcourant un magazine chez le dentiste et j'ai apprécié la maison (le client montre l'article)
AR : Ah oui... C'est la seule maison que je n'ai jamais voulu détruire pour tout recommencer.
CL : Je vois ce que vous voulez dire. J'espère qu'un jour mon éditeur arrêtera de me mettre au placard en me demandant de réécrire mon bouquin. Bon, comment on démarre ?
AR : D'abord combien voulez vous consacrer à ce projet ?
CL : J'aimerais rester en dessous des 100K USD.
AR : On peut certainement faire quelque chose avec ça. Bien entendu cela dépend du genre de maison que vous voulez et si on peut s'entendre à ce sujet.
CL : Pour 100K USD, vous ne seriez pas d'accord ?!!!
AR : C'est possible.
CL : Vous êtes du genre artiste caractériel ?
AR : vous pouvez m'appeler ainsi, voyez-vous le genre de maison que je conçois ne vous fera pas autant de publicité qu'elle m'en fera. Je ne peux pas me permettre d'avoir à mon actif une maison sans intérêt avec mon nom dessus. Qui aura la publicité ? Vous qui lisez les magazines ou moi ?
CL : Disons que nos goûts s'accordent, ensuite ?
AR : Je dois voir votre terrain bien sûr, mais d'abord j'aimerais lire votre livre « storage ».
CL : Le second est meilleur...
AR : Je ne devrais pas commencer de façon chronologique ?
CL : Vous lisez donc ?
AR : Avant de commencer je dois « tout » savoir de vous, pour l'instant je sais que vous aimez le café et les hanches des femmes.
CL : Supposons que vous trouviez le livre mauvais...
AR : A moins de chercher des ennuis avant de commencer...de toute façon il y en aura (des ennuis)
CL : Ça n'a pas l'air d'une opération bénigne ?
AR : c'est pas si douloureux que ça...vous savez, dessiner une maison pour quelqu'un, c'est quelque chose de très personnel.
CL : je vous aime bien, vous m'aimez bien ?
AR : Je n'en suis pas sûr mais je pense que oui.
(…)

PARTIE 2
On retrouve dans cette seconde rencontre les thèmes récurrents de notre profession mais d'abord les esquisses que l'architecte envoie au client sans explication. Tout cette tirade houleuse tient semble t'il à l'interprétation erronée que le client et son entourage font du projet. On voit ici tout l’intérêt de l'architecte à expliquer de visu ses idées. En effet l'image prête à différentes interprétations suivant la qualité de la personne. Une image ne vaut jamais mille mots mais seulement ce que son auteur veut exprimer à travers elle.
-Ensuite, le client souhaite secrètement (par prudence et par souscription au « main stream ») que sa maison ressemble à celle du magasine.
-La pêche aux conseils. Le client recueille les avis de personnes étrangères au projet. Les conseils de tiers (n'engageant pas celui qui les dispense) installent le doute.
-Le métier d'architecte est simple comparé à celui du client, ici un écrivain. « Simple » pour dire que le client ne sait pas exactement ce que fait l'architecte et surtout qu'il n'a aucune idée de l'investissement que nécessite la formalisation d'une idée car il n'en voit que le résultat.
-Le besoin du client d'être rassuré (sinon il n'écouterait pas un tiers)
-Ensuite de nouveau le thème de l'individu contre la collectivité, à qui doit plaire la maison ? Aux amis ? au client ? à l'architecte ? aux voisins... ? « On ne peut pas plaire à tout le monde »
-Finalement, la maison ressemblera à son client. Le tour est joué. Les deux protagonistes sont satisfaits et « au diable les critiques et plus généralement les autres ».

L'architecte a envoyé les esquisses au client (erreur) et il le retrouve à son domicile pour en discuter.
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AR : J'ai eu quelques Rendez vous avec des entrepreneurs. Vous n'avez pas eu de mal à lire les dessins ?
CL : Non, je les ai regardé. C'est très différent de la maison que j'ai vu dans le magazine, non ?
AR : Vous ne vous attendiez quand même pas à avoir la même maison, non ?
CL : Je ne sais pas ce que j'attendais, après tout c'est vous l'architecte, vous le répétez assez souvent !
AR : Qu'est ce qui ne va pas tout à coup ?
CL : Rien.
AR : Non, il y a quelque chose qui vous ronge, qu'est ce que c'est ?
CL : J'ai montré vos dessins à des amis et ils m'ont dit que ce serait fou de vivre dans une maison comme ça.
AR : Mais qui va vivre dans cette maison ? Vous ou vos amis ?
CL : C'est pas le sujet, personne ne vit dans un vide pareil? Je ne veux pas voir des gens qui s’arrêtent en voiture devant cette maison farfelue en disant « c'est là que vit cet écrivain excentrique »
AR : Qu'est ce que vous voulez ? Une maison comme celle des autres ?
CL : La maison du magazine n'était pas comme celles des autres !?
AR : J'ai dessiné cette maison pour un avocat de Fresno et ses 4 enfants. Cette maison est pour vous.
CL : Bon et si on arrêtait ? Supposez que mon prochain livre ne marche pas ? Ou le suivant ? (...)
AR : Qu'est ce que vous attendez de moi? Que je vous garantisse que vous serez un écrivain célèbre toute votre vie ?
CL : Qu'est ce que ça fait de dessiner une maison qui ne se réalise pas  ? Vous avez vos 10% et au revoir. Écrire un livre c'est autre chose, j'ai des lecteurs...
AR : Vous voulez que je rappelle votre copine ? C'est peut être à elle que vous aimeriez vous en prendre parce que moi, je suis trop occupé pour faire le bouc-émissaire.
CL : Comment ça ? C'est de votre maison dont je parle.
AR : VOTRE maison!!! Bon, laissez tomber. Quand je vous ai rencontré, j'ai dit à a ma femme, « tiens voilà un type qui veut quelque chose de différent » mais c'est faux, vous voulez la jouer sécurité.
CL : C'est faux !
AR : De quoi vous avez peur ? Qu'un critique n'aime pas votre maison?
CL : Ça n'a rien à voir avec ces critiques minables.
AR : Vous savez, dans nos professions respectives, on commence tous les deux par une page blanche. A chaque fois que j'ai voulu la jouer sécurité, j'en suis sorti sans rien. Donc maintenant je m'assieds à table à dessin et j'essaie de faire ce que je veux en espérant que si ça me plaît ça plaira à quelqu'un d'autre. C'est peut être pas une maison géniale après tout j'en sais rien, peut être que d'autres la trouveront farfelue, on ne peut pas plaire à tout le monde.
CL : vous voulez dire que c'est ce que j'essaie de faire dans mon métier ?
AR : je ne sais pas ce que vous faites exactement, J'ai lu vos deux livres et je les ai trouvé bons, mais j'aimerais savoir ce qui arriverait si vous vous libériez.
CL : Mais c'est ce que je veux !
AR : Alors écrivez un livre que vous avez envie d'écrire et au diable les critiques.
CL : vous ne savez pas ce que c'est...
AR : Ce que je sais c'est que vous devez réfléchir à ce qui est important pour vous. Bien sûr cette maison est importante pour moi et j'espérais que vous l'aimeriez mais si vous ne l'aimez pas, on se sert la main et au revoir.
CL : Vous savez quoi ? … c'est une belle maison.
AR : … Il y a quelques détails que j'aimerais vous soumettre.
CL : Ça reste quand même une maison excentrique.
AR : Oui, pour un personnage excentrique . On reprend....


































































































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